Rencontre avec Laurent Cavard, Ambassadeur PME+ de la région Bretagne

Rencontre avec Laurent Cavard, Ambassadeur PME+ de la région Bretagne

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Rien ne destinait ce savoyard d’origine Ă  devenir le dirigeant de l’entreprise bretonne Altho, l’irrĂ©ductible « chipsier français » qui fait face aujourd’hui Ă  2 multinationales (Pepsi-Cola (Lays) et Intersnack (Vico). Et pourtant,  grâce Ă  lui 1 chips sur 3 consommĂ©es en France est fabriquĂ©e depuis ses usines de Saint-GĂ©rand (Morbihan) et du Pouzin (Ardèche) sous la marque Bret’s et sous marques de distributeurs.

C’est le pari de l’entrepreneuriat qui après un diplĂ´me HEC, un sĂ©jour au Canada et 14 annĂ©es chez Michelin, mène Laurent Cavard Ă  reprendre en famille un ensemble de sociĂ©tĂ©s appartenant Ă  sa belle-famille et Ă  devenir breton d’adoption.

En 10 ans, la PME a fait du chemin, 102 M€ de CA et un capital 100% familiale. « La clĂ© de la croissance d’Altho a Ă©tĂ© d’avoir toujours fait le choix de la qualitĂ©, notamment via la qualitĂ© de ses pommes de terre. La chips est un produit plaisir donc zĂ©ro concession sur le goĂ»t. » prĂ©cise-t-il.

Lorsqu’on lui demande pourquoi il a rejoint la communautĂ© PME+, il nous rĂ©pond avec franchise en dĂ©taillant ses arguments « C’Ă©tait parfaitement naturel car les valeurs de la FEEF et de PME+ sont en parfaite rĂ©sonance avec nos propres valeurs :

1 – Nous sommes une entreprise familiale Ă  taille humaine oĂą nous avons choisi de travailler ensemble dans la confiance, l’autonomie et la simplicitĂ©.
2 – Nous sommes une entreprise responsable, loyale et respectueuse de nos salariĂ©s, de nos partenaires et de notre planète.
3 – Nos racines, c’est l’engagement rĂ©gional : fiers de nos origines bretonnes, nous voulons nous engager dans toutes les rĂ©gions oĂą nous nous sommes implantĂ©s.
4 – Ĺ’uvrer Ă  la satisfaction de nos Clients et nos Consommateurs, pour le prĂ©sent et le futur, est le moteur quotidien de nos actions.
5 – Notre ADN, l’audace d’entreprendre et d’innover »

C’est toutes ces valeurs qui animent les partenariats et les engagements qu’il a nouĂ© au fil du temps avec les agriculteurs locaux. « Pour enfoncer des portes ouvertes, un principe de base : une bonne chips, c’est d’abord une pomme de terre ! Pour ce faire, un fabricant de chips utilise des variĂ©tĂ©s de pommes de terre spĂ©cifiques dont la star est la Lady Claire. Elles correspondent au cahier des charges pour faire une chips parfaite : pommes de terre rondes, d’un diamètre de 65-85 mm, avec un taux Ă©levĂ© de matière sèche pour le craquant, peu de sucres pour garantir une belle couleur blonde, peu de dĂ©fauts en Ă©vitant les attaques des taupins et les chocs Ă  l’arrachage. Les pommes de terre que nous utilisons sont tout sauf des commoditĂ©s facilement trouvables sur le sujet. L’industrie de la chips travaille dans une logique contractuelle de prix fixes / tonne pour une variĂ©tĂ© donnĂ©e. »

Pour garantir l’approvisionnement en pommes de terre, il est donc nĂ©cessaire de disposer de toute une filière pommes de terre de qualitĂ© : plants, agriculteurs compĂ©tents, matĂ©riel de bon niveau pour la mise en culture et l’arrachage et stockages garantissant 9 mois de vie entre la rĂ©colte de l’automne et le pic de consommation en juin. « En Bretagne, nous avons le climat, les terres et l’expertise agricole adaptĂ©s Ă  la pomme de terre mais les conditions de culture diffèrent de la grande rĂ©gion de culture de pommes de terre qu’est le Nord de la France. Ici, nos agriculteurs font souvent de la polyculture Ă©levage et font de la pomme de terre en complĂ©ment de revenus. Mais ils n’ont pas les moyens financiers d’acheter des arracheuses de pommes de terre Ă  300 000 euros ou de construire des stockages. » 

De fil en aiguille, en 24 ans, Altho a Ă©tĂ© amenĂ©e Ă  construire Ă  100% une filière pommes de terre intĂ©grĂ©e en sĂ©lectionnant les plants et les variĂ©tĂ©s selon ses besoins, en dĂ©veloppant une entreprise de travaux agricoles qui se charge de l’arrachage et de la mise en culture et en dĂ©veloppant 60 000 tonnes de stockages de pommes de terre, tout ça pour garantir la meilleure chips possible aux consommateurs.

Aujourd’hui, il travaille avec 285 agriculteurs. Les prix de contrat Ă  la tonne par variĂ©tĂ© sont fixĂ©s en dĂ©but d’annĂ©e avec un système de bonus / malus en fonction de la qualitĂ©. Altho fournit aux agriculteurs les plants de pommes de terre et leur demande de respecter son programme technique de culture et la traçabilitĂ©. A l’arrachage, Ă  l’automne, les pommes de terre sont payĂ©es au prix convenu (pas de stocks et de stockages Ă  financer pour les agriculteurs) et Altho prend en charge la responsabilitĂ© du stockage. « Le principal avantage de ce système est que nous ne crĂ©ons pas de dĂ©pendance Ă©conomique pour l’agriculteur. Il n’investit pas spĂ©cifiquement pour faire des pommes de terre (contrairement aux Ĺ“ufs par exemple) et peut nous quitter l’annĂ©e suivante s’il le souhaite et nous aussi d’ailleurs ! Notre système donne de la visibilitĂ© en termes de revenus aux agriculteurs, le prix Ă  la tonne Ă©tant fixĂ©– la seule inconnue est Ă©videmment le rendement mais lĂ , c’est du domaine de l’expertise du consommateur.  En parallèle, nous nous garantissons un approvisionnement de qualitĂ© avec les pommes de terre qui nous conviennent le mieux, le tout en garantissant une traçabilitĂ© complète du champ jusqu’au sachet. » 

Cela peut sembler simple sur le papier mais au quotidien c’est mettre en Ĺ“uvre des stratĂ©gies organisationnelles et Ă©conomiques pour maintenir cette production locale. « Au quotidien, nous avons 2 ingĂ©nieurs culture, un rĂ©seau de 10 techniciens culture, 10 arracheuses mobilisables et 60 000 t de stockages. C’est donc aussi beaucoup de ressources financières immobilisĂ©es, un rĂ©seau Ă  animer pour maintenir tout le monde au meilleur niveau. Effectivement, la vie peut paraĂ®tre quelquefois plus simple quand on ne s’approvisionne qu’auprès de nĂ©gociants de pommes de terre comme le font nos concurrents ! »

Rien n’est jamais acquis dans la vie d’un entrepreneur. Si la filière fonctionne auprès des agriculteurs c’est aussi parce qu’Altho sait rester compĂ©titif en terme d’attractivitĂ© face Ă  d’autres cultures comme les cĂ©rĂ©ales moins exigeantes en temps de travail. « Pas toujours facile Ă  expliquer Ă  nos clients distributeurs. »

Les points de vigilance sont nombreux pour maintenir cet écosystème local :

« Ne pas rendre les agriculteurs dĂ©pendants financièrement d’Altho.  Ne jamais baisser la garde sur la qualitĂ© des pommes de terre que nous acceptons mĂŞme si les agriculteurs sont nos voisins ! Donc ne pas cĂ©der Ă  la tentation de la tonne vs qualitĂ©. Animer le rĂ©seau afin de toujours faire mieux pour l’environnement et le portefeuille des agriculteurs. »

Le consommateur est le grand gagnant de cette filière de production locale. Inquiet sur la sĂ©curitĂ© alimentaire et l’origine des matières premières. Altho lui garantit des pommes de terre de France et une production française. Par ailleurs, le fait de disposer de stocks et de plusieurs variĂ©tĂ©s permet Ă  l’entreprise de choisir les pommes de terre idĂ©ales en fonction de la saison pour garantir le plaisir de la chips, son craquant et son bon goĂ»t de pommes de terre.

De leur cĂ´tĂ©, les distributeurs souhaitent dĂ©velopper les filières agricoles qui permettent de garantir un revenu Ă©quitable aux agriculteurs et d’amĂ©liorer l’impact Ă©cologique des cultures. Altho travaille activement avec ses agriculteurs partenaires sur la traçabilitĂ© dans les champs et sur la rĂ©duction des traitements.

Laurent Cavart rajoute « Par ailleurs, notre filière nous permet de garantir un approvisionnement sécurisé. Dans le contexte de crise de pommes de terre actuelle suite à la récolte 2018, nous pouvons encore garantir la présence de sachets de chips dans les linéaires pour les ponts du printemps ! »

Quels enseignements retenir de cette filière locale exemplaire ? « Monter une filière locale est un travail exigeant, qui nĂ©cessite des ressources importantes mais qui paye sur le long terme si l’exigence reste lĂ . Exigence pour l’environnement, exigence de qualitĂ© et exigence financière. Pour que le système marche, il faut que tout le monde gagne de l’argent – pas d’angĂ©lisme, la performance Ă©conomique doit ĂŞtre au rendez-vous. » conclu Laurent Cavard avec pragmatisme.