Rencontre avec Anaïs Voy-Gillis : "Ces entreprises sont des maillons clés de la vie économique locale"

Rencontre avec Anaïs Voy-Gillis : "Ces entreprises sont des maillons clés de la vie économique locale"

28 juin 2023

PME+ : Quelle analyse portez-vous sur la contribution des PME-ETI industrielles françaises à l’économie locale ?

Anaïs Voy-Gillis : Ces entreprises sont des maillons clés de la vie économique locale, notamment parce qu’elles sont implantées dans toute la France. Elles sont créatrices d’emplois, exportent et produisent de la valeur dans les territoires. Nous avons des PME et des ETI françaises qui sont leaders européennes ou mondiales dans leur secteur donc on parle finalement assez peu comme Nataïs avec la production de popcorns, Flowbird sur solutions de gestion du stationnement et de solutions billettiques pour les transports publics, Numalliance qui développe des plieuses et des conteuses ou encore Pagès Groupe sur les automatismes industriels. Ces entreprises ne sont pas connues du grand public, mais pourtant sont de véritables pépites industrielles, positionnées pour certaines sur des marchés de niche. Les PME et les ETI françaises contribuent au rayonnement de la France, tout en restant ancrées dans les territoires et dans leur écosystème.

PME+ : En 2021, l'étude FEEF-Astéres révèle que l’impact économique des PME indépendantes industrielles est deux fois supérieur à leur chiffre d’affaires propres. Quelle est votre réaction ?

Anaïs Voy-Gillis : Je trouve que c’est une étude très intéressante, surtout quand on observe la stratégie de développement de ces entreprises et leurs investissements souvent plus fort dans la R&D, la modernisation de leur outil de production et l’humain. Le fait d’être indépendant permet également de mieux résister à l’évolution des stratégies industrielles des actionnaires.

Il y a également un enjeu autour de la performance, ces entreprises semblent plus attentives au partage de la valeur au sein d’une chaîne de valeur et à la performance collective. Autrement dit, elles sont performantes tout en faisant le jeu de l’écosystème local, notamment à travers leurs approvisionnements. 

Leur ancrage territorial a aussi un effet d’entraînement sur l’économie française, notamment via la fiscalité et avec peu de leviers de contournement et d’optimisation de celle-ci.

PME+ : On parle beaucoup de relocalisation et de réindustrialisation mais la priorité aujourd'hui n’est-elle pas de soutenir les entreprises déjà présentes sur le territoire ? Est-ce que l’agroalimentaire fait selon-vous partie des secteurs d’activité stratégiques ?

Anaïs Voy-Gillis : La réindustrialisation repose sur trois dynamiques qui ne sont pas antinomiques, mais complémentaires. La première est le maintien et le développement du tissu productif existant. Il faut donc s’assurer que ces entreprises répondent à une demande et les accompagner dans d’éventuelles mutations industrielles, comme dans le cas de la conversion du moteur thermique vers le moteur électrique où il est clé que les industriels de ce secteur arrivent à se diversifier. Ces entreprises s’inscrivent dans un écosystème local et sont clés dans la réindustrialisation, notamment parce qu’elles sont également capables de supporter l’absorption de volumes liés à la volonté de certaines entreprises de s’approvisionner localement. Cela sous-entend néanmoins, une évolution de comportements chez certaines entreprises pour devenir irréprochable sur la qualité, les délais et le service client.

La deuxième dynamique repose sur la relocalisation d’activités stratégiques ou non sur le sol européen. La relocalisation peut permettre de densifier certains écosystèmes industriels et de créer une nouvelle demande pour certains sous-traitants. Néanmoins, on sait qu’elle sera un mouvement minoritaire dans la réindustrialisation. 

La troisième dynamique est la localisation de nouvelles activités en France et elle est nécessaire pour palier à la baisse de volumes chez certains grands donneurs d’ordre. L’enjeu est de ne pas avoir uniquement des activités d’assemblage en France, mais bien une maîtrise de la chaîne de valeur sur les territoires. Dans ces nouvelles activités nous avons à la fois des acteurs étrangers qui vont implanter de nouveaux sites comme dans le domaine des batteries électriques, mais nous avons également l’enjeu du financement et du développement de nos start-up industrielles qui sont l’industrie de demain. Derrière se pose la question de la capacité à coopérer de ces jeunes pousses avec l’industrie « traditionnelle ». 

L’agroalimentaire est un secteur stratégique, notamment parce qu’il s’agit du premier secteur industriel en France et qu’il convient de le renforcer pour renforcer notre souveraineté alimentaire. L’enjeu est d’arriver à lier l’amont, l’agriculture, avec l’aval, les étapes de transformation. 

Anais Voy-Gillis, Chercheuse associée à l'IAE de Poitiers et directrice associée chez June Partners